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Il y a 8 ans...

J’aurais voulu écrire cet article 8 ans auparavant… Mais je n’osais pas, j’avais peur de blesser, vexer, qu’on me fasse la tête, qu’on me mette à l’écart comme une enfant qui ne correspond pas à ce que les grands attendent d’elle.

Il y a 8 ans, j’étais une gamine de 25 ans. Une gamine qui venait de passer 5 années de sa vie dans l’insouciance la plus totale, loin des contraintes que peuvent exiger les jugements des autres ! Pourtant c’est pour ces autres, auxquelles je me sentais liée, que j’ai souhaité rentrer en Bretagne alors qu’un petit bébé prenait ses aises au creux de mon ventre.

Il y 8 ans, l’aventure de ma première grossesse venait de prendre fin. Cette grossesse fut si parfaite que je m’imaginais mes premiers pas de maman simple comme un bonjour à ma voisine. Mon accouchement, je le voyais normal. Je me voyais pousser trois fois et découvrir ma petite choupinette avec mes yeux remplis de ces larmes de bonheur qu’on voit dans les films. Je croyais que je pourrai recevoir nos grandes familles à la maternité et la maison, tout en étant radieuse et souriante, comme je m’efforçais de toujours l’être avant… Quant à mon bébé, je l’imaginais sage comme une image. J’étais persuadée qu’un bébé ça dormait tout le temps et que ça ne se réveillait que pour son biberon toutes les 3 heures. J’étais même persuadée que de toute façon, c’est moi qui déciderait et certainement pas ce petit tube digestif qui devrait s’adapter à ma vie !

Ah, les fameux principes des nouveaux parents pleins de certitudes…

Il y a 8 ans...

Mais bien évidement, rien ne s’est passé comme prévu !

Rien… Mais rien de rien !

Il y a 8 ans, tu es peut-être venu les bras chargés de cadeaux pour voir ce premier bébé que tout le monde attendait tant. Le premier petit-enfant, le premier arrière-petit, le premier petit neveux… Le premier, comme nous l’avons été, moi et son papa. Il est possible que la porte soit restée fermée ce jour-là. Il est possible que Chéri t’aie accueilli avec ou sans le bébé alors que j’étais dans mon lit. Il possible que tu aies vu ma voiture et de la lumière dans la salle de bain, le chien qui aboie mais personne qui n’ouvre. C’est possible… Je ne m’excuserai pas. Non. Ce jour-là, si je ne t’ai pas ouvert c’est pour plein de raison mais certainement pas contre toi, ce n’est pas non plus parce que je suis une conne où je ne sais quoi…

Viens, je vais t’expliquer pourquoi ce jour-là, je ne suis pas descendu ou que je ne t’ai pas ouvert.

 

J’ai eu un accouchement plus qu’épuisant qui a duré près de 3 jours. Le samedi, le dimanche et le lundi. J’ai eu peur, j’ai eu mal, j’ai pleuré… Comme toute les futures mamans qui s’apprêtent à accoucher. On m’a fait peur ! On m’a infantilisé ! On m’a menti ! C’était tellement loin des cours d’accouchement, des livres et de ce que je m’étais imaginé… C’était tellement violent que je n’arrivais pas à pleurer, ni à parler, ni à crier. J’aurai voulu mon amoureux et lui tenir la main pour être rassurée, au lieu de ça, j’étais attachée sur une table d’opération face à un gynécologue qui se foutait royalement de la mère que j’étais en train de devenir et de l’humain qu’il faisait naitre. J’étais un ventre. Il a sorti mon bébé. On me l’a collé sur la joue. Je l’ai trouvé belle et on me l’a emmenée. Elle était en parfaite santé mais on ne m’a rien dit, alors que je partais soi-disant en césarienne pour une urgence. En fait, il n’y avait aucune urgence à part le fait que le gynécologue finissait son service et qu’on était à la veille du 14 juillet. Je n’étais pas là quand mon amoureux a découvert notre bébé, j’étais en séance de couture. Mon ventre déjà plein de cicatrice allait en avoir une nouvelle que je détestais déjà. C’était long. Puis j’ai vomi encore et encore. Il y a eu cette gentille infirmière qui m’a recoiffée comme une petite fille, pour que puisse rencontrer mon enfant qui était déjà née depuis 30 minutes. C’est la seule personne bienveillante que j’ai rencontré pendant ce séjour à la maternité. Allongée, des fils et des capteurs plein le corps, on m’a poussé dans un brancard vers la sortie du bloc avant que j’entende « faudrait peut-être lui présenter son bébé ! » Le brancardier a fait marche arrière alors que mon amoureux sortait d’une pièce où notre bébé avait eu ses premiers soins (sans que papa ait été prévenu. Il avait été renvoyé dans la chambre). Là, je me suis effondrée. Toutes ces larmes que je n’arrivais pas à sortir ont coulé en torrent sur mes joues. Je pleurais tellement que je ne voyais pas ma fille. Je l’ai eu dans les bras le temps d’une photo, c’est tout. Elle voulait téter les électrodes alors ils l’ont repris et on m’a descendu en salle de réveil. J’ai continué de pleurer, pleurer, pleurer,…

Il y a 8 ans...

Pendant ce temps, je ne savais pas ce qui se passait pour mon bébé et mon amoureux. Je les imaginais dans cette salle post-naissance en peau a peau à se découvrir… Heureusement que j’avais confiance en ce que m’avait dit les sages-femmes lors de la préparation… Heureusement que je ne savais pas ce qui se passait dans ma chambre...  Ce qui s’est passé pendant ces 1h30 d’absence obligatoire suite à la césarienne, je l’ai découvert alors que ma fille avait 6 mois. Ma sœur m’a donné un dvd de ces premières heures qu’elle avait filmé, mais je n’avais pas eu le courage de le regarder. Mille merci Anne-so pour ces images, elles m’ont aidé à comprendre tellement de choses… Quand j’ai regardé ce film, j’avais ma fille dans les bras, elle s’était endormi au sein alors que mes larmes pleuvait sur elle.

Quand je suis partie en salle de réveil, l’équipe n’a pas gardé mon mari et notre bébé en surveillance pendant deux heures, comme on me l’avait promis. Le jeune papa a été renvoyé dans ma chambre, seul avec le bébé, avec pour seul consigne de rester en peau à peau… Sauf que dans la chambre, il y avait beaucoup de monde qui s’affairait autour de mon bébé tout neuf, sorti violement de mon ventre où le calme et la sérénité régnait depuis 9 mois. Ma fille avait faim, elle voulait téter. Elle tentait de téter son papa. Elle pleurait. Aucun membre de l’équipe médical n’était dans la chambre, par contre il y avait mes parents, mes sœurs, ma belle-mère et son ami. Chacun voulant voir le bébé tout neuf. Ma fille pleurait toujours alors les nouvelles grands-mères ont suggéré de l’habiller. Ils ont donc habillé mon bébé qui aurait dû rester en peau a peau, puis elle est passé de bras en bras. Chacun a pu la prendre, l’admirer, lui parler, lui chuchoter des mots doux. Tout le monde a pu admirer notre œuvre avant même que je n’ai le temps de me rendre compte que j’avais accouché. Mais tout ça, ça fait beaucoup pour un bébé tout neuf, alors elle s’est refroidit… Une sage-femme a fini par arrivé… Ca a parlé de couveuse et de biberon…

Il y a 8 ans...

Après avoir pleuré pendant 1h30, le brancardier est enfin venu me chercher. Dans l’ascenseur, il y avait une couveuse qui montait en mater, c’était pour la chambre 362, la mienne. Crise de panique dans l’ascenseur « il a quoi mon bébé ?!? » Aucune des personnes présentes ne savait me dire.

Je suis arrivée dans la chambre avec la couveuse. Ma fille était rouge écarlate, les lèvres bleues. Je ne pouvais toujours pas la prendre, il fallait me porter pour me mettre dans mon lit (pute de césarienne volée, elle m’a volée mes premiers pas de maman !). Une sage-femme allait emmener mon bébé quand une auxiliaire de puériculture a proposé de la mettre au sein avant toute chose. Mes parents et mes sœurs m’ont embrassé puis ils sont partis. J’aurai, pour ce premier vrai instant avec ma fille, aimé être seule avec mon amoureux mais sa maman est restée pour la regarder. Oh, pas longtemps, mais quelques minutes de trop après ces 2 heures à attendre de découvrir ma fille. Ma fille a pris sa première tétée comme une chef ! Première joie de maman !

 

Le séjour fut catastrophique ! Trop de visite, peu d’aide de l’équipe, un allaitement qui démarrait mal et des conseils venus tout droit de années 70. Toutes les deux heures pas plus de 10 minutes par sein. J’avais les seins en sang, des montées de lait tellement douloureuse… Je n’arrivais pas à garder mon bébé dans les bras, c’était comme si ce n’était pas le mien. Je la regardais pleurer dans son berceau en plexi, ça ne me faisait rien. Rien. Alors je me mettais à pleurer de ne pas aimer ma fille alors que pendant la grossesse, c’était une évidence, je l’aimais pour la vie. Mais là, rien. Je suis sorti au bout de 6 jours alors que je serai bien resté un peu plus, j’aurai aimé qu’on me rassure sur ce sentiment de ne rien éprouvée pour cette enfant tant désirée…

Il y a 8 ans...

A la maison, je pensais me reposer… Mais non, il y avait toujours plein de visites, tous les jours ! Il y avait aussi cette foutu cicatrice qui s’infectait, les visites de l’infirmière qui me mettait des mèches. Je me forçais à me lever pour les visites et pour tenter de m’occuper de ce bébé avec détachement. L’allaitement se lançait mal, elle prenait peu de poids. Elle ne faisait que de pleurer mais je voulais réussir notre allaitement, j’avais raté sa naissance et ses premières heures de vie, il fallait au moins que je lui donne ça, même si bien souvent je donnais les tétées à contre cœur… Je suis du genre obstinée ! Vu qu’il y avait les visites, je m’occupais aussi de ma maison et du chien (chien difficile, un peu, beaucoup sauvage que je ne pouvais gérer avec cette cicatrice qui me faisait mal).

J’aurai aimé être au calme dans ma petite maison à la campagne, me concentrer sur la mise en route de mon allaitement et me reposer… Mais non !

J’aurai aimé qu’on s’occupe de moi parce que cet accouchement avait été difficile mais personne ne se souciait de moi, le bébé était en bonne santé, c’était ça le plus important !

J’aurai aimé être soutenue dans mon allaitement, mais on ne faisait que me dire que je l’affamais et que j’aurais dû lui donner le biberon.

J’aurais aimé qu’on me demande avant de la prendre, mais personne ne se donnait cette peine. Quand elle se mettait à pleurer, on me passait devant pour la prendre.

J’étais mal avec ce corps qui me faisait souffrir.

J’étais mal de cette distance qu’il y avait entre moi et ce bébé.

J’en ai souvent voulu à tous ces gens bien intentionnés qui nous visitaient seulement pour voir le bébé.

Je l’ai détesté ce bébé. Ouais…

J’en ai parlé à une sage-femme libérale. Je lui ai dit que je vivais mal que tout le monde s’approprie mon bébé alors que j’avais l’impression de n’avoir aucun lien avec elle. Elle m’a dit d’arrêter de m’écouter et de me mettre à la place des autres, il fallait bien qu’ils profitent du bébé ! J’en ai pleuré de rage !!!

Il y a 8 ans...

Puis il y a eu ce jour, ou mon amoureux m’a pris en photo pendant que je tentais de donner une tétée… Je pleurais. Quand j’ai regardé la photo, je me suis encore plus effondrée… Il y avait clairement une distance entre moi et mon bébé. Je ne la regardais pas, elle ne me regardait pas. Je faisais le strict minimum, point.

Je me suis fait mal au cœur. J’ai eu mal pour ma fille pour la première fois, elle avait trois mois.

J’ai passé des heures sur internet à chercher comment allaiter. J’ai finalement réussi.

J’ai passé des heures à essayer de trouver comment remplacer ce manque de maman que je lui avais imposée. Je me suis mis au portage.

Petit à petit, le lien s’est refait. Il m’aura fallu 9 mois, autant qu’une grossesse. Je suis devenue une louve. Cette louve que j’aurai pensé être à la naissance de mon bébé…

Il m’a fallu apprendre à avoir confiance en moi et à faire fi des conseils et remarques qui remettaient en question mes choix.

Je me suis isolée. J’en avais besoin. J’avais besoin de n’être qu’avec mon bébé. Je m’enfermais dans ma chambre, avec elle, en peau a peau. Je lui faisais des massages, elle aimait beaucoup ça. On allait aussi se balader dans la forêt des fées ; là, nous étions apaisée, seule pour resserrer ces liens trop distendus.

Je ne supportais plus qu’on me prenne mon bébé des bras, où qu’on joue à la maman avec. Ça me foutait dans une rage énorme !

J’avais besoin d’être ce que je n’avais su être à sa naissance.

J’ai réussi à renouer ce lien qui me semblait impossible à recoller. J’ai été fière de moi, de réussir, seule, à sortir de cette dépression que personne n’a voulu voir ! Je ne sais pas si j’en suis totalement sorti, en tout cas, je sais que la blessure fut profonde, que le chemin fut long avant de pouvoir confier ma fille.

Il y a 8 ans...

Alors, il y a 8 ans, tu venais peut-être pour voir le bébé, et la maman n’a pas ouvert. Tu as été vexée. Tu t’es senti rejeté et tu t’es dit que je n’étais qu’une conne ! Bah en fait, ce jour-là, je devais être en train de pleurer de désespoir… Je pleurais d’entendre le chien aboyer et de voir ton obstination à vouloir voir le bébé sans te soucier de moi, la jeune mère abimée dont personne ne prenait cas. Peut-être que si tu m’avais regardée, tu aurais vu ma détresse. Peut-être que si tu n’avais pas été aveuglé par cette envie irrépressible de materné, tu aurais vu que la maman du bébé avait besoin d’aide… Tu me diras « Mais fallait le dire ! » J’ai essayé, plein de fois, mais personne n’a jamais pris le temps de m’écouter. Le bébé était en bonne santé, c’était ça le plus important !

 

C’était il y a 8 ans, tout ce que je suis aujourd’hui est parti de là. Je me suis jurer d’apprendre à écouter et à considérer l’autres sans attente. J’y travaille chaque jour. Et tu vois, aujourd’hui, j’ai mal de savoir que ta rancœur envers celle que j’étais à l’époque est à la base de notre relation. Tu sais quoi, j’aurai vraiment aimé que tu me parles de ce jour où tu as été vexée que je ne t’accueille chez moi, on aurait pu parler… ça nous aurait fait du bien à toutes les deux.

 

Sans rancunes !

Il y a 8 ans...
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J
Mille merci pour ce merveileux écrit.<br /> Je ne suis pas mère, peut être dans les années à venir. Mais je ne comprends pas ce "tabou" autour de la grossesse, l'accouchement et tout ce qui se passe après. Les femmes ne devraient pas hésiter à partager leur témoignages, positifs comme négatifs. C'est autant enrichissant pour ceux qui veulent bien l'entendre et ca permet d'évacuer pour la personne qui l'a vécu ! Et je suis sûre que cela intéresserait pleins de jeunes femmes :)<br /> En tout cas, j'ai beaucoup appris en lisant votre récit !
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L
Je me suis tant retrouvée à la lecture de votre article. Contrairement à vous, ma cesa était programmée depuis très longtemps et j ai eu la "chance" d être chouchoutee par le personnel. Heureusement, sinon je ne saurais pas où je serais actuellement...<br /> L enfant qu on nous vole par la césarienne, ce "joue à joue" de 3 secondes, ce sentiment qui persiste aux moments des visites alors qu on est allitee et impuissante, on a envie de ne dire qu une chose: allez vous en, tous, laissez nous tous les 3...<br /> Et ensuite la culpabilité de s isoler du monde pour répondre à cet instinct maternel... cette impression de ne pas avoir donné à son bébé des bases solides parce qu on a été trop fragile et qu on pas osé dire non.<br /> Après 3 ans, j en pleure encore de ne pas m être écoutée et d être restée sous l emprise du "devoir de faire plaisir aux autres". Mes premiers instants ont été volés, personne ne le comprend... et surtout personne ne les rendra...<br /> Je suis en colère contre tous ces gens qui se sont imposés, contre mon mari de n avoir rien vu mais surtout je reste en colère envers moi de ne pas avoir dit "stop".
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M
Oh Loutie.... J'ai envie de te faire un gros câlin ❤️ Si tu veux qu'on en discute sur Facebook en mp, n'hésite surtout pas ❤️
L
Je me suis tant retrouvée à la lecture de votre article. Contrairement à vous, ma cesa était programmée depuis très longtemps et j ai eu la "chance" d être chouchoutee par le personnel. Heureusement, sinon je ne saurais pas où je serais actuellement...<br /> L enfant qu on nous vole par la césarienne, ce "joue à joue" de 3 secondes, ce sentiment qui persiste aux moments des visites alors qu on est allitee et impuissante, on a envie de ne dire qu une chose: allez vous en, tous, laissez nous tous les 3...<br /> Et ensuite la culpabilité de s isoler du monde pour répondre à cet instinct maternel... cette impression de ne pas avoir donné à son bébé des bases solides parce qu on a été trop fragile et qu on pas osé dire non.<br /> Après 3 ans, j en pleure encore de ne pas m être écoutée et d être restée sous l emprise du "devoir de faire plaisir aux autres". Mes premiers instants ont été volés, personne ne le comprend... et surtout personne ne les rendra...<br /> Je suis en colère contre tous ces gens qui se sont imposés, contre mon mari de n avoir rien vu mais surtout je reste en colère envers moi de ne pas avoir dit "stop".
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D
Magnifique témoignage!<br /> J'ai appris, et maintenant en tant que médecin je le dis à tous mes patients concernés par la venue d'un bébé : le bébé c'est la maman qui s'en occupe (si elle le veut/le peut), c'est son rôle, elle peut faire des choses que personne d'autre ne peut faire. Mais tout le monde autour doit s'occuper de la maman, pour qu'elle soit dans les meilleures conditions, parce qu'elle aura du mal à s'occuper d'un nouveau-né et d'elle-même.
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M
Merci Dr Mélody ❤️ Merci pour toutes ces femmes que vous croiserez ❤️
S
Tellement tellement vrai. C'est incroyable à quel point la mère en tant que personne n'existe plus aux yeux des gens dès que le bébé est là. Et l'inhumanité du monde médical... cette infantilisation est insupportable...
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